Potentialités
Blended Intensive
Program_ Dans le toucher
02-30/09/24
Partenaires : Academie Royal des beaux-arts – École Superieur des Arts, Brusselles, Belgique; École Supérieur d’Art et Design Saint-Etienne, France, Vysoká škola výtvarných umení v Bratislave, Slovakia, UQAM, Montreal, Canada.
Guimarães
L’unité curriculaire « Dans le toucher – Racines et Ontologie dans le Textile » ancrera un Blended Intensive Programme, financé par le programme Erasmus*, et en continuité avec le projet Erasmus+ « Arts & Crafts Aujourd’hui », entre l’Université de Porto (FBAUP), l’Académie Royale des Beaux-Arts – École Supérieure des Arts (Bruxelles, Belgique), l’ESADE – Saint-Étienne, et l’Académie des Arts et du Design de Bratislava (Slovaquie) et avec la collaboration de UQAM, Montreal, Canada. Les notions de racines et d’ontologie se concentrent sur la dimension ancestrale du savoir-faire et la connexion avec la culture familiale et locale. Les matières naturelles et organiques, ainsi que les éléments personnels et familiaux (par exemple : technologies, processus, matériaux, souvenirs), sont essentiels au développement d’un réseau interculturel et interdimensionnel autour du textile et de ses contextes. Cette proposition, coordonnée par Rute Rosas, Domingos Loureiro et Isabel Quaresma, se présente comme un point de départ pour la réalisation d’un projet commun en vue de sa présentation à la Biennale Contextile 2024, qui aura lieu entre septembre et décembre, sous le thème « To TOUCH ». Ainsi, pour le développement de cette initiative, chaque partenaire et participant est invité à collecter des matériaux inutilisés, ainsi que des éléments multisensoriels naturels (plantes, champignons, épices) pour les processus liés à l’univers textile, des recettes ou des idées liées à leur contexte local et familial, qu’ils devront partager lors de la semaine d’activités à Bruxelles. Ces matériaux, processus et souvenirs seront la matière première pour le développement du travail final, dont la concrétisation est prévue lors des semaines à Bruxelles et à Saint-Étienne, puis à Porto et à Guimarães. À chaque activité, des actions de formation et de partage de connaissances techniques en teinturerie, impression, rembourrage, techniques d’aiguille, tapisserie, tissage et autres techniques et procédures en fonction des fibres et des matériaux collectés sont prévues pour une composition artistique de nature collective. L’objectif est également de compiler tous les processus et techniques dans un document unique, à présenter au sein d’Arts & Crafts Aujourd’hui et à Contextile.
« Dans le toucher :
Racines wet Ontologie »
Coordination : Rute Rosas
Enseignants : Rute Rosas, Domingos Loureiro et Isabel Quaresma, Laetitia Sedziejewski, Justine Van Impe, Cécile Van Der Haegen, Blanka Cepkova, Beáta Gerbocová
Ce programme réunira 20 étudiants de différents pays, comptera 3 ECTS, avec un total de 81 heures de formation et 27 heures de contact em format b-learning.
Programme :
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L’univers du textile dans le Nord du Portugal et dans le monde : matières, moyens et outils.
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Le textile comme possibilité d’expression technique/artistique dans la formalisation plastique.
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Modèles et structures de création, individuels et en équipe.
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Bases et expérimentation de la recherche pour organiser, planifier, projeter et matérialiser.
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Gérer de manière critique les différentes phases du travail en fonction des résultats souhaités.
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Laboratoire expérimental avec des schémas de réalisation individuels et/ou de groupe.
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Pratiques d’exposition et de diffusion d’événements artistiques.
Objectifs de la formation :
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Développer des compétences relatives aux composantes théoriques et pratiques impliquées abordant l’univers du textile comme structure fondamentale en création collective.
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Présenter l’ontologie du textile en la reliant au lieu et à ses implications physiques et culturelles.
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Acquérir des compétences collaboratives dans la création artistique, qui culmineront dans une exposition dans le cadre de la Contextile - Biennale d’Art Textile Contemporain, 2024, à Guimarães.
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Favoriser un espace de réflexion critique et artistique, à la fois individuellement et collectivement.
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Rapprocher des processus et des méthodologies d’enseignement différenciées provenant de diverses cultures et lieux.
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Renforcer les compétences transversales pour répondre à des énoncés pratiques et artistiques et promouvoir des compétences sociales et de recherche.
Blended Intensive
Program_ Atelier Nomade
BIP ATELIER NOMADE
Coordonné par Graciela Machado
Proposition pour un programme de mobilité courte combinant apprentissage hybride et en présentiel. Le Programme Intensif Mixte Erasmus+ (BIP) est un programme de mobilité courte financé par l’Union Européenne, qui, dans ce cas, prendra la structure déjà mise en place dans l’Atelier Nomade. Ainsi, nous avons ATELIER NOMADE : LITHOGRAPHIE IN SITU, avec des partenaires de l’École Supérieure d’Art et Design de Saint-Étienne (France), de l’Académie Royale des Beaux-Arts de Bruxelles École Supérieure des Arts (Belgique), de la RWTH Aachen University (Allemagne), et de la Faculdade de Belas Artes da Universidade do Porto. Ce programme intensif attribuera 3 ECTS.
Le partenaire coordinateur sera la Faculdade de Belas Artes da Universidade do Porto, et les prochaines éditions se tiendront en janvier 2025.
Le programme intensif impliquant l’École Supérieure d’Art et Design de Saint-Étienne (France), l’Académie Royale des Beaux-Arts de Bruxelles École Supérieure des Arts (Belgique), la RWTH Aachen University (Allemagne), et la Faculdade de Belas Artes da Universidade do Porto (Portugal) est conçu pour offrir aux étudiants une expérience éducative riche et multiculturelle basée sur la lithographie. Le programme attribuera 3 ECTS (Système Européen de Transfert et d’Accumulation de Crédits), reflétant la charge de travail et les résultats d’apprentissage obtenus au cours du programme.
La nouveauté de l’approche de la lithographie in situ réside dans la proposition de revisiter son histoire ancienne, où la condition de globalité était garantie en utilisant des matériaux naturels et des ressources technologiques de base, ce qui se relie au présent en utilisant la ville comme site spécifique pour la réflexion et comme outil/idée pour des revenus futurs en utilisant une technique de reproduction séculaire.
Le programme de cours est orienté vers les pratiques spatiales de la lithographie en tant que stratégie expérimentale de préservation et d’innovation, explorant l’observation des matériaux et leur recréation par une reconstruction en laboratoire, l’identification de ce qui est visible dans l’architecture, les archives, et l’objectif écologique d’un retour aux techniques artisanales dans un contexte urbain.
Cet engagement technologique, artistique et multi-exploratoire repose sur la reconnaissance des outils utilisés en lithographie, l’utilisation de matières premières (supports, pigments et charges) d’origine locale, l’étude de la lithographie et de sa relation avec l’histoire et la transformation de la ville, ainsi qu’un test d’application pratique par des incursions in situ visant à réaliser des lithographies dans divers espaces.
Tout au long du processus d’enseignement-apprentissage, le programme sera couvert en utilisant des pratiques pédagogiques innovantes, alignées sur les objectifs suivants :
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1
Comprendre la lithographie in situ en tant que concept et méthode d’approche du contexte urbain/naturel (espaces d’utilisation, ressources, matériaux, communauté)
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2
Comprendre les exigences de pratique de base pour la lithographie et les rôles des différents acteurs impliqués dans leur étude, préservation et diffusion
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3
Montrer pourquoi et comment différentes disciplines doivent travailler ensemble pour observer et utiliser la lithographie (approche transdisciplinaire, pensée interdisciplinaire)
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4
Débattre des sujets sur les dimensions sociales, culturelles et politiques du patrimoine graphique, de l’architecture, de l’écologie et de l’artisanat telles que proposées par l’histoire de la lithographie
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5
Activités en intérieur et en extérieur concernant des sujets tels que l’utilisation des arts et de l’artisanat dans les pratiques de design, d’illustration et d’architecture
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6
Utiliser les archives locales, publiques et privées comme ressources communes pour mieux connaître les « histoires » globales et locales de la lithographie et de l’image imprimée
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Exposition des concepts et apprentissage basé sur des projets
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Débats sur les sujets couverts
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Reconstruction pratique des pratiques matérielles liées aux arts et à l’artisanat
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Travail pratique et collaboratif pour consolider les connaissances et développer des compétences
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Visites techniques pour apprendre sur des études de cas et des archives historiques
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Réutilisation de l’espace et intervention spécifique au site
Les participants sont invités à partager leurs expériences, leurs questions et à interagir avec leurs pairs dans des discussions riches en forum situées dans la ville. Plus important que la transmission de connaissances est l’acquisition de compétences basées sur la réflexion et la critique des sujets présentés, à travers une pratique expérimentale guidée autour des différents sujets couverts. L’approfondissement des connaissances par des exercices pratiques de reconstruction/réparation/réutilisation et un projet collectif permet aux participants de développer des compétences, de favoriser une pensée critique scientifiquement et techniquement fondée, et de stimuler la pratique artistique qu’elle soit basée sur l’architecture, le design, l’illustration, les arts exploratoires et l’artisanat
Description de la composante virtuelle (20 heures) : Présentations en sessions virtuelles ; Séminaire en ligne/Masterclass ; résultats de l’atelier intensif avec base de données en ligne.
Durée : Le programme est généralement de courte durée et intensif, se concentrant sur un apprentissage concentré dans un laps de temps spécifique.
Crédits : La réussite du programme permettra aux participants d’obtenir 3 ECTS.
Résultats d’apprentissage : Les participants peuvent s’attendre à améliorer leurs compétences en art et design, à se familiariser avec différentes perspectives culturelles et académiques, et à collaborer sur des projets avec des pairs de divers horizons.
Expérience multiculturelle : Les étudiants bénéficieront de l’exposition à diverses méthodologies d’enseignement, traditions artistiques et philosophies du design.
Réseautage : Opportunités de se connecter avec des étudiants, des professeurs et des professionnels de plusieurs pays et institutions.
Développement des compétences : Les programmes intensifs se concentreront sur l’expérience pratique et concrète, permettant aux étudiants de développer et de perfectionner leurs compétences dans un contexte réel.
Partenaires : Le programme inclut la Fundação Marques da Silva comme partenaire, élargissant sa portée et son impact.
Atelier :
Coulée dans le sable
2025
Objectifs :
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Apprentissage de la technique de coulée de verre dans le sable
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Réalisation de moules en sable
Méthodologie :
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L’atelier se déroulera sur une semaine
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Les étudiants commenceront par développer les prototypes, puis ceux-ci seront pressés dans le sable et le verre sera coulé
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Placement du verre dans les moufles, courbes de recuisson
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Visualisation des pièces
Résultats :
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Réalisation d’un manuel
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Réalisation d’une exposition
Atelier :
Atelier de Pâte Verre
2025
Toujours en 2025, une des étudiantes ayant participé aux activités (Catarina Pinto) animera un atelier de pâte de verre en utilisant des éléments organiques tels que des petites branches, des feuilles insérées dans du sable, du kaolin et de la cendre. Ces expériences sont déjà en cours de développement dans le contexte des cours, et Catarina présentera un travail dans l’exposition Encaixe, dont l’inauguration est prévue le 8 juin à Árvore – Cooperativa de Atividades Artísticas, C.R.L.
L’artisanat et ses enjeux
à l’ère du design
Le Maroc, terre de rencontre entre l’Afrique du Nord, l’Europe et la Méditerranée, recèle une richesse culturelle et historique qui s’exprime avec le plus d’authenticité dans son artisanat. L’histoire de cet artisanat marocain est un voyage millénaire à travers les âges, reflétant les influences de diverses civilisations, la créativité des artisans locaux et la perpétuation de traditions ancestrales. Une exploration de ce contexte historique nous transporte au fil des siècles, des premières empreintes phéniciennes aux vestiges romains, amazighes et judaïques, avant d’être marquée par les apports arabo-andalous, révélant une trame d’une rare complexité.
Cette épopée de l’artisanat plonge ses racines dans les temps immémoriaux des Amazighes, le peuple berbère autochtone qui a véritablement façonné les fondements culturels du pays. Ce sont eux qui ont légué leurs savoir-faire artisanaux uniques, utilisant des matériaux locaux comme le bois, la poterie, le cuir ou les fibres tissées. Les tapis, emblèmes de cette ère, illustrent la créativité et l’ingéniosité de ces artisans, qui ont brodé des motifs symboliques reflétant leur environnement naturel et leur spiritualité, où persistent encore des traces de leurs anciennes croyances païennes.
L’arrivée de l’Islam au Maroc au VIIIe siècle marqua une nouvelle ère dans le développement de l’artisanat. Les Arabes introduisirent des techniques plus sophistiquées, des motifs géométriques complexes et une esthétique islamique distinctive. Les artisans se mirent à travailler les métaux précieux comme le cuivre et l’argent pour créer objets décoratifs et bijoux. Cette tradition demeure très vivace dans le sud marocain, notamment à Tiznit et Taroudant, et a grandement inspiré les créateurs de bijoux mode ces trente dernières années. Les célèbres artisans du cuir de Fès et Marrakech émergèrent également après la fondation de ces cités, perfectionnant l’art du tannage et de la teinture.
Les dynasties Almoravide (XIe siècle) et Almohade (XIIe siècle) exercèrent à leur tour une influence considérable. Les monuments emblématiques tels la mosquée Koutoubia à Marrakech ou la tour Hassan à Rabat servirent de toile de fond à l’épanouissement de l’artisanat dans la décoration intérieure et extérieure. Céramiques, lampes en laiton ciselé et tissus brodés comptaient parmi les produits phares, témoignant du savoir-faire artistique marocain.
La période des dynasties royales, Saâdienne et Alaouite, apporta des développements significatifs. Les cours furent des mécènes encourageant les artisans à créer des pièces luxueuses pour les palais, mosquées et zaouïas. Les zelliges, carreaux de céramique émaillée assemblés en motifs géométriques complexes, furent largement utilisés dans l’architecture et la décoration, notamment à Fès et Tétouan, où l’École des Arts et Métiers illustre cette pratique. Les textiles de luxe comme la soie brodée et le velours devinrent aussi des marqueurs de statut social, une tradition encouragée sous les protectorats français et espagnol. Les artisans de Tétouan remportèrent d’ailleurs le grand prix de l’Exposition de Séville en 1929.
Si cette période coloniale introduisit des influences européennes, elle suscita aussi une réaction de préservation et de revitalisation des traditions artisanales marocaines. Les artisans adaptèrent leurs compétences à la demande tout en préservant l’authenticité.
L’indépendance en 1956 marqua une renaissance culturelle, y compris dans l’artisanat. Les rois Mohammed V puis Hassan II soutinrent activement les artisans, encourageant la préservation des métiers traditionnels et la création de coopératives. Cette période vit émerger de nouvelles générations d’artisans, portant à la fois l’héritage du passé et une vision contemporaine, jusqu’au design actuel.
Aujourd’hui, l’artisanat marocain poursuit son évolution en conservant ses racines profondes. Les souks des médinas regorgent de produits artisanaux, des tapis aux lanternes en métal ciselé. Marrakech, Fès et Essaouira sont des pôles créatifs attirant artistes et designers du monde entier. Les artisans s’adaptent aux tendances contemporaines tout en préservant les techniques ancestrales, créant un pont entre passé et présent. Tétouan et Essaouira sont d’ailleurs classées Villes créatives par l’UNESCO.
Le récit historique de l’artisanat marocain offre une continuité dans l’adaptation. Des influences amazighes aux époques dynastiques, de la colonisation à l’indépendance, chaque période a laissé son empreinte distinctive. Aujourd’hui, il incarne une harmonie entre tradition et modernité, captivant le monde par sa diversité, sa beauté et son authenticité. Explorer son histoire permet de comprendre la profondeur de cet héritage artistique, si essentiel à l’identité culturelle du pays.
La diversité des métiers et des techniques reflète une tradition héritée sur des siècles. Chaque corps de métier, imprégné de gestes uniques, de motifs élaborés et d’une riche histoire, témoigne de la créativité des artisans marocains. Dans cette exploration, nous plongerons dans cette variété de savoir-faire, révélant toute leur ingéniosité.
Manifestations
et types d’artisanat
Tissage et Broderie
Véritable joyau de l’artisanat marocain, le tissage puise ses racines dans les traditions séculaires du peuple amazighe. Les célèbres tapis, dont les motifs géométriques aux couleurs vives et chatoyantes sont patiemment tissés dans une laine des plus fines, sont le fruit d’un savoir-faire précieusement transmis de génération en génération. Dans les contrées les plus reculées du Royaume, les femmes jouent un rôle primordial en perpétuant cet art ancestral sur des métiers à tisser traditionnels, donnant vie à des pièces uniques d’une grande noblesse. La broderie, elle aussi intimement liée aux costumes traditionnels, est un artisanat d’exception où les vêtements et étoffes s’ornent de motifs floraux et géométriques d’une rare délicatesse. Les créations textiles marocaines, qu’il s’agisse de somptueux caftans, de coussins raffinés ou de nappes majestueuses, sont de véritables chefs-d’œuvre réputés pour leur qualité supérieure et leur beauté artistique incomparable. Les techniques de teinture naturelle, notamment à l’indigo ou au safran, confèrent une dimension unique à ces œuvres d’art tissées. Sur leurs métiers à tisser manuels séculaires, les artisans perpétuent ces traditions millénaires tout en les adaptant aux goûts contemporains les plus exigeants.

Visite de l’école des arts et métiers de Tétouan|Atelier tissage et broderie
© Alice Finichiu
Travail du Cuir
Le travail du cuir est un art ancestral qui plonge ses racines dans l’époque légendaire des caravanes traversant le désert. Dans les illustres cités de Fès et Marrakech principalement, les artisans maîtrisent et font perdurer avec brio des techniques de tannage et de teinture vieilles de plusieurs siècles, utilisant des pigments naturels d’origine végétale et minérale. Les souks débordent de merveilles en cuir finement ouvragées, des babouches raffinées aux sacs, ceintures et pièces de maroquinerie les plus délicates. Les couleurs profondes et chatoyantes, signature du cuir marocain aujourd’hui exporté jusqu’au Portugal, en Italie et en France, sont le fruit du travail minutieux des artisans teinturiers qui appliquent des recettes ancestrales.

Visite de l’école des arts et métiers de Tétouan|Travail du cuir
© Alice Finichiu
Poterie et Céramique
La poterie et la céramique ont une tradition séculaire au Maroc, influencée par les riches héritages amazighe, juif, arabe et andalou. Les potiers façonnent patiemment à la main des pièces utilitaires et décoratives d’une beauté à couper le souffle, des plats et bols aux carreaux de zellige si caractéristiques. Chaque région du Royaume possède ses motifs et styles uniques et inimitables, des géométriques de Fès aux sublimes arabesques florales de Safi. Dans les fours traditionnels en argile alimentés au feu de bois, les pièces sont cuites selon des méthodes ancestrales jalousement préservées, offrant aux décorateurs d’intérieur du monde entier, jusqu’en Europe et en Californie, une source d’inspiration inépuisable.

Visite de l’école des arts et métiers de Tétouan|Atelier céramique
© Alice Finichiu
Travail du Métal
L’artisanat du métal tient une place prépondérante, les artisans marocains excellant dans la fabrication de lampes en laiton délicatement ciselées, de plateaux en cuivre martelé avec minutie ou de bijoux aux motifs d’une complexité rare et aux détails d’une finesse inégalée. Dans les souks marathoniens, les étals regorgent d’articles en métal ouvragés avec passion, des lanternes suspendues aux tables basses en laiton, témoignant avec force de l’immense dextérité des artisans à travailler ces matériaux nobles.
Artisanat du Bois
L’artisanat du bois marocain se distingue et séduit par ses sculptures d’une minutie confondante et ses incrustations aux détails d’une richesse extrême. Des meubles traditionnels aux objets décoratifs tels que les élégants moucharabiehs (écrans en bois ajourés), coffres et mobilier d’apparat, les artisans créent une variété de pièces d’une beauté à couper le souffle. La cité d’Essaouira est réputée dans le monde entier pour le travail d’une extrême finesse de la racine de thuya, un bois aromatique local, transformé en boîtes, plateaux et décorations d’une simplicité et d’une noblesse rares.
Rôle Culturel
et Symbolique
Le rôle culturel et symbolique de l’artisanat marocain est profondément enraciné dans l’identité nationale aux multiples facettes, reflétant les traditions, les croyances et le patrimoine du peuple. Au fil des siècles, il a transcendé sa fonction utilitaire pour devenir un langage visuel communicant l’histoire, les valeurs et les aspirations de la société. Cette exploration nous emmène dans le tissu social du pays, mettant en lumière la profonde signification des objets façonnés par des mains aux gestes séculaires.
L’artisanat joue un rôle crucial dans la préservation et la transmission des traditions culturelles. Chaque métier, du tissage au travail du cuir en passant par la poterie ou la menuiserie, porte l’héritage des générations passées. Motifs, techniques et designs sont transmis de maître à apprenti, assurant la continuité de ces pratiques qui perpétuent la mémoire collective.
Il est également profondément lié à la spiritualité, comme en témoignent les zelliges, ces carreaux aux motifs géométriques complexes, symboles d’unité et de perfection divine hérités de l’art islamique. La diversité ethnique et culturelle marocaine se reflète aussi dans la variété de son artisanat, chaque région ayant ses spécificités.
Les souks et marchés artisanaux ne sont pas de simples lieux de commerce, mais aussi des espaces culturels où s’exprime pleinement l’identité nationale. Des scènes vivantes où l’on peut observer les artisans à l’œuvre et comprendre la richesse de la culture marocaine. L’artisanat devient ainsi un vecteur d’éducation culturelle, offrant aux jeunes générations un moyen tangible d’apprendre leur histoire et traditions. Un outil puissant pour préserver et propager l’héritage, tout comme il joue un rôle essentiel dans la construction et la préservation de l’identité nationale. Les créations artisanales, tapis, bijoux ou poteries, sont utilisées dans les célébrations, symbolisant la fierté et l’attachement à la culture, leurs motifs traditionnels renforçant le sentiment d’appartenance.
Cependant, l’influence de la modernité constitue un phénomène complexe, révélateur des défis et opportunités pour les artisans. Traditionnellement ancrés dans des méthodes ancestrales, ils doivent désormais composer avec de nouvelles technologies, mais aussi la demande changeante des marchés et la menace de la contrefaçon.
L’introduction de machines et outils modernes, comme les fours pour la poterie, permet une production plus rapide mais interroge sur la préservation des savoir-faire spécifiques définissant l’authenticité. La demande internationale pousse aussi à adapter les créations, incorporant des motifs traditionnels dans des designs contemporains pour répondre aux tendances, tout en préservant une essence marocaine reconnaissable.
Mais cette intégration de la modernité n’est pas sans défis. Certains artisans craignent de voir diluée ou perdue l’essence même de leurs métiers, transmis sur des générations. Le défi est de trouver un équilibre entre préservation des techniques traditionnelles et acceptation des changements améliorant l’efficacité et l’attrait commercial, tout en conservant l’essence de cet héritage culturel unique.
Ainsi, la modernité apporte aux artisans marocains des opportunités d’innovation et de pénétration des marchés mondiaux, mais aussi des menaces sur la préservation de leur authenticité et la transmission des savoir-faire ancestraux. Dans leur quête d’évolution, ils cherchent l’équilibre délicat qui permettrait à leur artisanat de prospérer tout en sauvegardant l’essence de leur riche patrimoine.
Marché Mondial
et Tourisme
Le tourisme est devenu un véritable moteur propulsant l’artisanat marocain sur la scène internationale. Chaque année, des millions de visiteurs affluent au Maroc, attirés notamment par la richesse de son artisanat millénaire. Ils arpentent les ruelles animées des médinas, explorent les souks colorés et poussent les portes des ateliers artisanaux traditionnels. Cette affluence touristique génère une demande directe et massive pour les créations artisanales. Face à cet appétit des consommateurs du monde entier, les artisans n’ont d’autre choix que de diversifier leur offre, développant de nouvelles gammes pour répondre aux multiples attentes.
Cependant, cette intégration forcée sur les marchés mondiaux n’est pas sans soulever de nombreux défis. La pression pour satisfaire cette demande internationale croissante peut entraîner une standardisation, voire une dénaturation de certaines pratiques artisanales ancestrales. Dans leur quête de rentabilité, certains artisans risquent d’être tentés par la production en série, au détriment du caractère unique et individuel qui fait la quintessence de l’artisanat marocain traditionnel. Pire encore, la contrefaçon d’articles importés à bas coûts, notamment de Chine, menace directement la pérennité de certains secteurs artisanaux locaux. Ainsi, les artisans se retrouvent souvent confrontés à un dilemme cornélien : préserver coûte que coûte l’authenticité culturelle de leur art ou bien s’adapter et innover pour rester compétitifs sur un marché mondial de plus en plus concurrentiel.
L’émergence de ces marchés internationaux et l’afflux touristique ont également poussé de nombreux artisans à repenser en profondeur leur approche du design et de la commercialisation. Un nouveau créneau de l’« artisanat moderne » a ainsi vu le jour, proposant des réinterprétations contemporaines d’objets traditionnels, dans une tentative de séduire un public mondial tout en maintenant un lien avec l’héritage culturel ancestral marocain. Mais cette évolution dans la création artisanale ne va pas sans soulever de nombreuses interrogations sur le degré d’authenticité et la réelle capacité à préserver les métiers artisanaux dans leur forme la plus pure et traditionnelle.
Face à ces défis complexes, le gouvernement marocain a dû élaborer des stratégies ambitieuses pour accompagner au mieux les artisans dans leur adaptation aux réalités des marchés internationaux et de l’afflux touristique. Programmes de formation ciblés, incitations financières attractives et initiatives de préservation culturelle à grande échelle ont ainsi été lancés dans le but de trouver un équilibre stable entre la nécessaire modernisation des pratiques et la sauvegarde indispensable des traditions séculaires. L’objectif est de créer un environnement propice où l’artisanat national peut prospérer sur la scène mondiale tout en préservant jalousement son authenticité unique.
L’impact profond et complexe des forces de la mondialisation et du tourisme de masse sur l’artisanat marocain, à l’aube de ce 21e siècle, est une réalité indéniable. Si ces nouvelles dynamiques ont permis d’ouvrir de nouveaux horizons et opportunités, elles posent aussi des défis cruciaux en termes de préservation de l’authenticité culturelle et de la pérennité des pratiques artisanales traditionnelles. La capacité des artisans marocains à naviguer avec habileté entre ces multiples influences sera déterminante pour l’avenir de leur artisanat séculaire, un subtil équilibre à trouver entre l’innovation devenue indispensable pour rester compétitif et la sauvegarde absolue de leur riche héritage.
Initiatives Gouvernementales
et éducatives
Conscient de l’importance cruciale de l’artisanat pour préserver l’identité culturelle et dynamiser l’économie nationale, le gouvernement marocain a mis en place des programmes de préservation des métiers traditionnels. Des centres de formation et ateliers visent à transmettre les savoir-faire ancestraux aux générations futures, assurant ainsi la pérennité de la riche diversité des métiers artisanaux marocains.
Pour encourager l’innovation, des incitations financières sont accordées aux artisans intégrant des éléments modernes dans leurs créations tout en préservant l’authenticité culturelle. Subventions et prêts à taux réduits favorisent l’émergence de produits artisanaux compétitifs sur les marchés mondiaux.
La promotion internationale de l’artisanat marocain est aussi une priorité, avec des campagnes marketing visant à renforcer sa notoriété lors d’événements culturels et commerciaux mondiaux. En parallèle, des réglementations garantissent la qualité, renforcée par des labels et certifications pour les artisans respectant les normes établies.
Cependant, des défis persistent. Certains peinent à accéder aux aides gouvernementales en raison de contraintes financières ou administratives. Le difficile équilibre entre innovation et préservation de la tradition requiert aussi une attention constante.
La transmission des savoir-faire, pilier de la pérennité de l’artisanat, fait face à de lourds défis alors que les nouvelles générations se tournent vers d’autres horizons et que les technologies modernes deviennent omniprésentes. Cette transmission reposait auparavant sur un apprentissage intergénérationnel informel au sein des communautés. Mais avec la modernisation rapide, ces traditions orales s’affaiblissent, les jeunes se détournant parfois de ces métiers perçus comme peu lucratifs ou déconnectés de la modernité technologique.
L’École des Métiers et Arts Nationaux de Tétouan, fondée en 1919 comme le Bauhaus, a d’ailleurs vu ses effectifs et ateliers diminuer au fil du temps. D’autres défis incluent la nécessité de rendre ces métiers plus attractifs financièrement, et l’influence de la mondialisation qui peut éroder la singularité des savoir-faire locaux face à l’homogénéisation des pratiques.
Face à cela, le gouvernement peut jouer un rôle crucial en soutenant financièrement et logistiquement les projets de préservation. Des centres de formation modernes, équipés de technologies actuelles, contribueront à rendre ces métiers plus attrayants tout en garantissant la pérennité des pratiques ancestrales. Un défi de taille pour perpétuer ce riche patrimoine artisanal.
Des chemins
de traverse en art
22-27
05/23
Andrée-Anne Dupuis Bourret, artiste et professeure à l’ÉAVM (UQAM). Mario Côté, artiste et professeur associé à l’ÉAVM (UQAM). Christine Major, artiste et professeure à l’ÉAVM (UQAM). Laurence Sylvestre, pédagogue et professeure à l’ÉAVM (UQAM).
Bifurquer hors cadre

Séance d’écoute à la Fondation Grantham et présentation de MÉDIANE|Chaire de recherche du Canada en arts, écotechnologies de pratique et changements climatiques

Zone d’apprentissage|Écologie des pratiques A&C et activité Hors-Piste
Depuis le début du XXe siècle, le nombre croissant d’écoles d’art en Amérique du Nord a fait émerger d’importants centres de formation accueillant souvent des milliers d’étudiant·e·s. Au cours des années 60, le passage des écoles de style beaux-arts dont la formation s’inscrivait dans l’héritage de l’école d’art européenne vers des institutions universitaires a été un élément marquant dans l’évolution de l’enseignement de l’art. À partir de cette décennie, la démocratisation et la déconfessionnalité de l’enseignement ont été des facteurs décisifs quant à l’intérêt de la formation de niveau supérieur1 . Ce qui a conduit à l’afflux considérable des femmes dans les écoles d’art universitaires qui étaient le plus souvent réservées aux garçons. Enfin, la situation sociale et politique a constamment eu de fortes répercussions sur les différentes approches et tendances de l’enseignement de l’art2 . Sans contredit, on peut avancer que les lieux de formation artistique sont devenus de véritables laboratoires publics où les imaginaires artistiques et esthétiques trouvent des échos aux enjeux de nos sociétés.
Dans le contexte du projet de recherche Arts & Crafts/Aujourd’hui, nous avons conçu une École d’été qui s’est tenue du 22 au 27 mai 2023 à Montréal. Nous avons tenté d’interroger les liens entre la création et la recherche en milieu universitaire tout en partageant nos différentes approches de l’art et de son enseignement avec les cinq écoles d’art participantes3 . Nous cherchions à favoriser le décloisonnement des disciplines et à repenser le rapport de la pratique à la théorie. Nous souhaitions à travers ces propositions valoriser les processus de création, de l’essai et de l’erreur et de l’apprentissage par l’expérience face aux enjeux sociétaux. Les participant·e·s étaient amenées à mettre l’accent sur des approches pédagogiques non hiérarchiques où l’enseignant et l’enseigné sont interchangeables.
Notre approche considérait les pratiques artistiques comme des méthodes de recherche et de transmission à part entière. En défendant des méthodes expérimentales et artistiques d’enseignement, de recherche et de diffusion, le travail de création vise à rendre la vie quotidienne dans le milieu académique plus poétiquement et politiquement durable4 . Dans le contexte de la société néolibérale, nous étions plus attentifs aux questions de justice sociale et écologique. Nous interrogions la tendance au travail de type productiviste que l’on retrouve dans nos sociétés capitalistes et nous tentions de proposer une réflexion plus large sur des alternatives qui valoriserait d’autres formes d’activités et de relations sociales. Selon Bernard Stiegler, « L’artiste de l’ère Anthropocène rencontrant ses limites est un acteur relationnel du monde, produisant des situations et ouvrant des bifurcations improbables, plutôt qu’un acteur autonome dans le monde produisant des objets. »5
De plus, en remettant en question les logiques de consommation et de production actuelles, nous souhaitions présenter une vision du monde qui viserait à encourager une réflexion plus consensuelle sur notre relation à l’autre, humain plus qu’humain, dans un contexte de travail de création.
À la suite de ces ateliers, un ensemble de questions nous est apparu dans leur réalité, dans leur complexité et dans leur urgence. En voici quelques exemples : comment interroger les pratiques artistiques interreliées à l’enseignement des arts dans un contexte universitaire ? Comment développer une pratique artistique liée à l’enseignement des arts et en tenant compte de la condition humaine ? Quels outils ou méthodes pourrions-nous remettre en question et actualiser ?
- 1 Lemerise, S. (1993). L’art – l’artiste – l’école, dans F. Couture (dir.), Les arts visuels au Québec dans les années soixante. La reconnaissance de la modernité (1993). Éditions VLB
- 2 Sirois, G. et Bellavance, G. (2023). Présentation Les arts à l’université : institutionnalisation et pluralisation. Cahiers de recherche sociologique, 71, p. 11.
- 3 L’Académie Royale des Beaux-Arts de Bruxelles/École supérieure des arts (ArBA/EsA), Academy of Fine arts and Design Bratislava (AFADB), L’École Supérieure d’art et de design de Saint-Étienne (ESADSE), L’École des arts visuels et médiatiques (ÉAVM-UQAM), L’Institut National des Beaux-Arts de Tétouan (INBAT), Faculté des Beaux-Arts de l’Université de Porto (FBA-UdeP).
- 4 Loveless, N. (2019). How to Make Art at the End of the World : a Manifesto for Research-Creation. Duke University Press.
- 5 Stiegler, B. (2021). Bifurquer. « Il n’y a pas d’alternative ». Éditions Les liens qui libèrent, p. 175-176
Attitudes émancipatrices : matérialité des engagements et donner corps à la recherche en art
Dans une vision holistique où l’être humain est considéré dans son ensemble, chaque acte posé de nature affective, sociale et politique produit un impact significatif sur la vie au quotidien comme sur nos engagements interindividuels. Dans ces conditions, la question de la matérialité touche autant à l’existence sensible des choses qu’aux circonstances matérielles des événements qu’elles engendrent. Si la matérialité se définit par la réalité concrète et tangible, elle donne nécessairement sens aux engagements, car elle entre en relation avec nos émotions, notre expérience et nos savoir-faire. C’est ce que nous entendons par la « matérialité des engagements ». Cette attitude émancipatrice devient le fondement pour envisager de nouveaux récits1 , manières de prendre soin de l’âme2 et des usages3 . Nous envisageons la « matérialité des engagements » indissociables de la volonté de « donner corps à la recherche en art » afin d’intégrer nos limites et nos vulnérabilités, tel un appel à la dissidence.
L’artiste comme travailleur créatif et indépendant est confronté par la force des choses à la société néolibérale. Il est souvent contraint de choisir une position d’assouvissement devant la hiérarchie sociale. Dès lors, il devient urgent de subvertir l’université de l’intérieur par le soutien mutuel et la conception de savoirs alternatifs.
Il devient également vital de donner non pas un corps, mais des « corps » à la création et à la recherche, incluant ceux qualifiés d’atypiques, d’anormaux ou de non conformes. Donner corps à la recherche, c’est se mobiliser dans l’acte de créer et de réfléchir avec de nouveaux moyens, des savoirs renouvelés et des attitudes inédites.
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1 Stengers, I. (2019). Résister au désastre. Édition Wildproject.
Ursula K. Le Guin (2018). Aurélien Gabriel Cohen (traduction). La théorie de la Fiction-Panier. - 2 Thích Nhất Hạnh (2004). La colère :transformer son énergie en sagesse. Paris:Pocket.
- 3 Ahmed, S. (2019). What’s the use? Duke University Press.
Notes sur quelques
expériences hors-pistes
à Montréal et à Bruxelles
22-27
05/23
Susan Turcot, artiste et professeure à l’ÉAVM (UQAM)
Montréal
Que regardons-nous par choix ou non dans notre environnement ? Arrivés à la montagne après avoir marché dans la densité de la ville avec nos invités européens, nous nous rassemblons dans un boisé du Mont-Royal sur des roches qui se sont soulevées en forme de magma il y a 125 millions d’années. Notre praxis humaine, nos technologies et nos compétences personnelles ont émergé de la nature. Que pourrions-nous faire sur ce site avec ce que nous avons autour de nous ?
Le groupe retrouve une intimité matérielle avec le monde naturel en observant les plantes, le matériau pour lequel aucun autre matériau n’existerait. Avec nos sens réorientés, nous pensons à la matérialité de nos œuvres, à leur pouvoir discursif et à leur capacité d’être un point de rencontre, un lieu d’appren-tissage (apprendre du tissage ou apprendre à faire des liens).
Bruxelles
L’atelier Contemporary Salmon organisé par l’ISAC à l’ArBA/EsA a été initialement inspiré par la philosophe et critique Anne-Françoise Schmid sur la façon dont la modernité a établi un mode d’observation qui conditionne notre regard porté sur les objets via des disciplines prédéterminées qui influencent notre vision de ceux-ci. Dans l’atelier, au lieu de traiter les travaux des étudiant.e.s comme des objets d’art, nous les abordons comme un X inconnu sous l’angle d’attributs répartis entre de nombreuses formes de connaissance. Ainsi, cinq questionnements inclus dans ce processus apportent-ils aux étudiant·e·s et aux participant·e·s de nouvelles façons d’observer et de réagir à l’œuvre en l’élevant vers des champs de référence et d’imagination diversifiés. Il s’agit là d’outils à la fois subtils et puissants qui contribuent à modifier les pratiques pédagogiques en les éloignant d’une approche plus passive du regard porté sur l’objet.
Cette démarche entre en résonance avec ce que nous essayons de faire à travers plusieurs de nos activités à Montréal. Une proposition émane, entre autres, de celles-ci, quant à la pertinence d’une analogie avec le compostage. Nous parlons ici du compostage des formes pédagogiques actuelles, celles qui continuent de provoquer des dommages coloniaux et extractivistes, et à leur transformation en approches inclusives, écologiquement restauratrices et animées par de multiples imaginaires et formes de connaissance.

Hors-Piste : Zone d’appren-tissage (apprenti du tissage ou apprendre à faire des liens) sur le Mont Royal, un territoire traditionnel non cédé des Kanien’keha:ka (Mohawks)
© Domingo Loureiro
PARENTHÈSEs.
POUR des BIFURCATIONs
PÉDAGOGIQUEs PERMANENTEs
par-dedans l’Histoire (extrait)
22-27
05/23
Mario Côté, artiste et professeur associé l’ÉAVM
(UQAM).
En guise d’introduction
L’extrait que je vous présente est un chapitre d’un texte plus ambitieux : PARENTHÈSEs. POUR des BIFURCATIONs PÉDAGOGIQUEs PERMANENTEs par-dedans l’Histoire. Il a été rédigé à la suite des expériences pédagogiques qui se sont déroulées dans les six écoles participantes, quatre européennes, une nord-africaine et une québécoise, dans le cadre du programme de recherche Arts&Crafts/Aujourd’hui (2019-2024). Cet « exercice de pensées », loin d’être un bilan, prend un pas de recul sur l’actualité des événements pour revisiter un enjeu qui me semble d’une grande importance dans l’histoire de l’enseignement des arts, soit une rupture que l’on pourrait qualifier d’épistémologique. Elle se situe au moment où les écoles des beaux-arts se sont intégrées aux universités. Cette transition de responsabilité institutionnelle trouve un point critique notamment dans les Amériques et, plus spécifiquement, au Québec lors de l’occupation de l’École des Beaux-Arts de Montréal (ÉBAM) en 1968. L’année suivante, l’école de tradition européenne beaux-arts fera désormais partie de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Le débat entre école d’art et exigences universitaires se poursuit encore aujourd’hui en Europe, où le statut des écoles des beaux-arts conserve son d’indépendance face aux universités qui offrent également des programmes d’art. Puis, à partir de cette contradiction encore vive, le texte identifie quelques principes avec lesquels l’idée de « transmission de la pratique artistique » pourrait exercer une forme de conduite lui permettant de sauvegarder son autonomie devant la force attractive de « l’institutionnalisation de l’art » sous toutes ses formes. Quatre thèmes sont alors abordés : la liberté de la création opposée à l’enfermement volontaire, la transversalité/opacité contre le réflexe de supériorité dans les rapports hiérarchiques, la conversation entre intervenants dans un cadre pédagogique opposée au monologue de sourd et la distance critique pour contrer l’indifférence-insouciance. Nous retrouvons ici, le premier thème : La liberté-artiste.
La liberté-artiste
Il est très délicat d’aborder la question de la liberté de la création sans parler de la liberté politique. Hannah Arendt avait déjà pressenti la distinction dans La Crise de la culture (1960), où tout un chapitre était consacré à la question de « la liberté » :
L’important n’est pas ici de savoir si l’artiste créateur est libre dans le processus de création, mais de savoir que le processus créateur ne se déploie pas en public et n’est pas destiné à faire son apparition dans le monde. Donc l’élément de liberté incontestablement présent dans les arts créateurs reste caché; ce n’est pas le libre processus créateur qui finalement fait son apparition et importe au monde, mais l’œuvre d’art elle-même, le produit final du processus.1
Hannah Arendt
« L’écrivaine »2 et philosophe du politique nous précise que le concept de liberté trouve ses fondements en Occident dans les expériences de l’Antiquité grecque. Elle affirme :
Toute tentative pour dériver le concept de liberté d’expériences du domaine politique semble étrange et saisissante parce que toutes nos théories en ces matières sont dominées par l’idée que la liberté est un attribut de la volonté et de la pensée plutôt que de l’action.3
Hannah Arendt
Arendt a également approfondi le concept d’action dans cet autre important texte qu’est la Condition de l’homme moderne, où l’agir humain entre en interaction avec le monde et la pensée. C’est une évidence de parler aujourd’hui de « liberté » en évoquant la « volonté d’être libre ». Ainsi, les individus ont des désirs et, coûte que coûte, ils cherchent à les réaliser. Nos sociétés capitalistes néo-libérales et hystériques font la promotion des libertés à un niveau presque insoutenable. Bien sûr, si vous en avez les moyens! Les plus privilégiés affichent sans retenue leur impressionnante liberté de choix comme une affirmation suprême de la vraie liberté.
Faudrait-il rappeler qu’au XVIIe siècle, un humble et reclus libre-penseur, Benedictus de Spinoza, avance dans L’Éthique (1661-1675) une proposition incompréhensible pour l’époque : nos volontés ne sont pas libres, mais conditionnées. De plus, il termine son impressionnante démonstration en promouvant que la « puissance de l’intelligence » humaine et la « liberté » qui en découle peuvent conduire à rendre davantage conscient. Yves Citton, dans un livre essentiel traitant de L’Envers de la liberté, l’invention d’un imaginaire spinoziste dans la France des Lumières (2006), résume l’importance aujourd’hui de cette pensée :
Que nous disent explicitement ou entre les lignes, tous les travaux de psychologie, de psychiatrie, de neurologie, de pédagogie, d’anthropologie, d’ethnologie, de sociologie, d’économie, ou de marketing, sinon que nos « libres choix » sont conditionnés par les différents paramètres ayant régi l’interaction entre notre donné génétique, notre développement physique, notre environnement familial et éducatif, les coutumes dominantes autour de nous, les rapports d’intérêt structurant notre monde social, les images, les sons et les discours projetés sur nous à longueur d’année ? […] depuis une dizaine d’années, de nombreux scientifiques (en sciences de la nature comme en sciences sociales), de nombreux philosophes, activistes, écrivains et penseurs ont senti le besoin de « revenir à Spinoza dans la conjoncture actuelle présente ».4
Citton, Y.
En résumé, nous sommes libres de dire « oui » ou « non », de choisir tout ce que nous voulons, de voter pour qui l’on croit, mais cette indépendance de choix n’est réelle qu’à la condition d’être pleinement conscient de ses causes, de ses limites et des actions qu’elle engendre. En fait, être conscient du sens éthique que la liberté jette sur le tapis.
Nos sociétés curieusement dites néolibérales ont réussi à ériger avec un sans-gêne outrancier l’idole de l’individualisme possessif tout en transformant tout processus de liberté de choix et de préférence en, d’une part, une englobante activité consumériste ou, d’autre part, une forme sociale consensuelle de procédure électorale. Être libre ou manger toute la misère du diable.
Revenons à cette place singulière qu’Hannah Arendt accorde à l’acte de création. Les citations d’artistes qui témoignent de l’importance de la notion de liberté dans le travail de création sont légion.
J’ai eu la chance d’enregistrer les derniers propos de Fernand Leduc,5 peintre québécois important et signataire du manifeste Refus global (1948), qui a été un texte fondateur de la modernité au Québec. Cette rencontre filmée a donné lieu à un document unique où il fait le point sur ses convictions d’artiste. Il explique, entre autres, comment Paul-Émile Borduas, leader du mouvement automatiste, a été un maitre pour lui. Après avoir expliqué les leçons qu’il tire de la rencontre avec ce peintre, il termine par une forme d’invocation : « (…) si vous êtes véritablement en état de créativité, vous trouvez ce qui est de plus important dans la vie, la liberté ».
Mario Côté
Le philosophe Paul Audi, dans une conférence prononcée à Rennes sur la question de la légitimation actuelle de l’artiste,6 place la question de la liberté au centre de son argumentation.
Originellement, comme on le sait, « créer » diffère de toute activité de production en ce qu’il se rapporte à l’acte de croitre; en ce sens, « créer » (creare) veut dire croitre, faire. Se déployer, faire s’épanouir – mais quoi en l’occurrence ? Nul autre que le possible. Créer consiste à faire en sorte que le champ des possibles s’accroit miraculeusement, et cela pour que la vie elle-même s’accroisse de soi, ce qui veut dire : se porte à une richesse insoupçonnée, à des potentialités nouvelles, ce qui ne laisse pas d’être chaque fois bouleversant.7
Paul Audi
Créer n’est pas qu’un acte qui conduit à réaliser, à produire manuellement ou conceptuellement un objet, il doit devenir une « possibilité » dont la qualité est d’être inédite. La création implique pour l’artiste de réunir les conditions à ce que tout a priori, tout cliché, tout conditionnement ne puissent influer sur le processus afin de partager avec la vie, avec l’autre, cette possibilité dérangeante, saisissante, étonnante, inouïe de créer. Audi nomme cette responsabilité attribuée à la création comme étant celle de produire une émotion, de l’imaginaire.
(…) s’il est vrai que sa responsabilité en tant qu’artiste réside dans le respect qu’il éprouve (qu’il s’estime voué à éprouver) envers ce curieux « impératif » qu’il ne fait jamais que s’imposer à lui-même, en-dehors de toute contrainte morale, de toute législation transcendante, au nom de sa liberté même : l’impératif d’inaugurer, et partant d’inventer pour soi comme pour autrui, des manières de sentir, d’imaginer et de penser dont nul n’aurait pu croire auparavant qu’elles puissent un jour voir le jour.8
Paul Audi
Cette liberté-artiste que doit s’approprier tout créateur serait celle de la distance, de la volonté de dire « oui » ou « non », de mettre de côté toute séduction, toute facilité, tout préjugé, toute tentative consumériste, toute injonction institutionnelle et culturelle qui ne peut que conduire à devenir asservissement ou isolement volontaire.
Certes la tâche demeure immense et relève presque de l’utopie ou d’un « devenir », concept que Deleuze a si bien actualisé.9 La vie d’artiste, comme celle d’artiste en formation, est constamment assaillie par des contradictions, des paradoxes, traversée par des multiplicités d’être et constituée de forces actives et réactives. La notion-vrille de liberté-artiste, notion-perceuse de liberté, continue de faire son chemin et peut être dorénavant envisagée d’un point de vue éthique. Éthos entendu comme la manière d’être et la manière de se conduire. En fait, être-artiste comme responsable envers soi et les autres dans la prise de décisions et les devenirs conséquents. La liberté-artiste serait aussi un choix politique pour plusieurs raisons, mais la principale considération que chaque artiste se donne est celle de défendre face à la société le droit de créer librement. Et ces prérogatives ne peuvent qu’être dérangeantes, ennuyeuses et agaçantes pour toute institution; il ne convient qu’aux intéressés d’en être conscient et agissant.
- 1 Hannah Arendt (2012). « La Crise de la culture » in L’Humaine condition. Paris : Quarto Gallimard,p.727
- 2 Hannah Arendt se défendait d’être philosophe, mais préférait plutôt l’appellation d’« écrivaine politique ». Elle a d’ailleurs développé une critique assez virulente de la « philosophie politique ». Voir la préface de Philippe Raynaud à la nouvelle édition de L’Humaine condition, Quarto Gallimard, 2012
- 3 Ibid.,p.728
- 4 Citton, Y. (2006). L’Envers de la liberté, l’invention d’un imaginaire spinoziste dans la France des Lumières. Éditions Amsterdam,p. 15
- 5 Mario Côté (2013). Fernand Leduc, La peinture et les mots, 2013, 66 min, v. o. fr. Le peintre décède un an plus tard, le 28 janvier 2014.
- 6 Paul Audi (2012). Discours sur la légitimation actuelle de l’artiste. Paris : Éditions Encre marine
- 7 Ibid., p. 68
- 8 Ibid., p. 69
- 9 Le devenir deleuzien trouve sa source chez Héraclite et Nietzsche. « Le devenir n’est ni un ni deux, ni rapport de deux mais entre-deux, frontière ou ligne de fuite » Gilles Deleuze, Felix Guattari (1980). Mille Plateaux. Éditions de Minuit, p. 360
Presentation
of potentialities
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Post-project, AFAD has harnessed the creative momentum generated by “Arts and Crafts Today,” translating it into a series of pedagogical assignments that challenge students to reinterpret traditional motifs within contemporary contexts. The theme of ornamentation in glass and the adaptation of traditional crafts into modern jewelry design are just two examples of how the project’s influence has permeated the academy’s curriculum. Moreover, the connections forged during the workshops have blossomed into enduring collaborations, such as the glass symposia at Rona (new members), which continue to enrich the educational experience.
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Looking ahead, AFAD is fostering the growth of these educational networks, with plans for art educators from St. Etienne to participate in an international jewelry project and a workshop at Šperkstret (International Jewelwery workshop and conference in September 2024 in Bratislava).
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Participation of AFAD educators in a project dedicated to the revitalization of glass production in Portugal. Porto was inspired by a similar project realized by educators with AFAD and invited them as supervisors and advisors. (In progress.)
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Participation of textile departments from AFAD at the BIP Contextile exhibition in Porto in September 2024.
These initiatives underscore AFAD’s commitment to evolving its teaching methodologies, ensuring that the legacy of the project not only endures but also propels forward the pedagogical evolution in art schools.
The project enrich teaching practices by:
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Encouraging Active Learning: Moving beyond lectures to more immersive, hands-on experiences that engage students directly with their craft.
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Promoting Cross-Disciplinary Learning: Integrating different fields of study to foster a broader understanding of art and design.
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Facilitating Industry Partnerships: Building connections with professionals and industries related to the arts to provide students with real-world insights and opportunities.
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Expanding Cultural Horizons: Encouraging international collaboration to expose students to global art practices and perspectives.
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Showcasing Student Work: Providing platforms for students to exhibit their work, which is essential for professional development and public engagement.
By incorporating these elements into their teaching, educators can create a dynamic and engaging learning environment that prepares students for the evolving demands of the art world. The AFAD workshop’s methodology and outcomes offer a blueprint for how art education can be both rooted in tradition and forward-looking, fostering an educational space where innovation thrives.
Histoire du temps présent
vers une histoire du temps futur
Le projet Erasmus + A&Ca, aujourd’hui réservoir de potentialité créative et espace de résilience, a permis de mettre ensemble 6 écoles d’art, de design et faculté universitaires internationales. Pendant les 3 ans du projet un véritable partenariat s’est établi entre les écoles participantes. Partenariat qui a permis pendant la durée du projet, des échanges pédagogiques, des élaborations et expérimentations artistiques sur les liens entre Design, Art et Artisanat, tenant présentes les questions très actuelles du digitale, dans le signe de la diversité et hospitalité des écoles partenaires.
Les six écoles ont montré une envie et un engagement réel de collaboration et de continuation sur les thématiques abordées lors des trois ans du projet. La collaboration a permis de développer des méthodologies de travail et un langage commun, tenant toujours présent la diversité propre à chaque partenaire, dans le but d’aborder le terrain de la recherche-création et reformuler les rapports entre théorie et pratique, artistes et artisan·es,étudiant·es et enseignant·es dans la perspective et contexte environnants et de leurs tissus socio-économiques.
Pendant les 3 années de travail commun les 6 écoles/facultés ont toujours envisagé l’histoire du temps présent dans la perspective d’une histoire du temps futur et à ce propos le projet A&Ca, permettra de créer un réseau européen et non-européen qui touche aux productions artistiques et artisanales ainsi qu’aux productions industrielles.
Les six écoles ont donné un avis favorable sur une programmation future d’échanges et collaborations basée sur trois points :
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1
Échanges permanentes entre enseignant·es et étudiant·es : Possibilité de mettre nos points communs et divergents qui font la qualité de l’enseignement des écoles partenaires dans les pratiques pédagogiques et artistiques en lien, afin pour créer un réseau singulier qui base les échanges sur des pratiques et pédagogies déjà expérimentées
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2
Au travers du programme Erasmus la possibilité de la mise en place de co-diplômes conjoints entre les écoles en question. Les co-diplômes conjoints donneront la possibilité aux étudiant·es de essayer une polyvalence et capacité d’adaptation aux différents environnements professionnels. Le co-diplôme permets aussi aux étudiant·es de se spécialiser dans des domaines différentes et d’agencer des études et pratiques artistiques qui se complètent mutuellement
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3
Le travail artistique et pédagogique des écoles d’art et design et leurs recherche respectives restent un point centrale pour préparer les nouvelles générations à une vision plus claire qui peut intervenir dans l’économie européenne. Les écoles qui ont participé au projet préparent les nouvelles générations d’artistes et designers à renouveler et transformer le monde industriel pour une nouvelle configuration sociale du projet ouverte vers le monde non-européen.
De manière tangible les trois livrables accomplis par les écoles : L’abécédaire, la plateforme collaborative et le Web to Print sont des socles qui se révèlent essentiels pour la mise en place des futures collaborations. Les trois livrables seront des outils qui resteront dans le temps, et seront des points de références ou de départ pour les prochaines générations d’artistes, artisan·es ou designer·euses et point de départ pour des collaborations à venir avec d’autres écoles.
La technique
et la main
La technique et la main
comme retour au sensible
L’approche pédagogique dominante en écoles d’art ‒ notamment en France ‒ privilégie encore l’intellect (les thématiques, les intentions, les références, les discours, les programmes, etc.) par rapport à la main (la technique étant considérée, depuis la modernité, comme une habileté simplement acquise par le labeur et dont il conviendrait de se méfier). Les acteurs historiques du mouvement Arts & Crafts ont démontré ‒ théoriquement et pratiquement ‒ qu’il est possible de dépasser cette opposition héritée de la modernité, laquelle s’est largement fondée sur la dichotomie entre art et artisanat. Après l’art conceptuel, Fluxus (« Bien fait, mal fait, pas fait »), l’art relationnel, les images dites virtuelles et les différentes modalités cherchant à rompre avec le matériau, une large part de la création contemporaine témoigne d’un retour au geste, au travail de la main et aux savoir-faire techniques. Parmi la nouvelle génération, beaucoup d’artistes et d’étudiants demandent un apprentissage technique et un travail de la main, perçus par eux comme la réhabilitation des qualités plastiques de l’œuvre. Ce désir semble notamment correspondre à un besoin de retrouver un ancrage dans la matérialité et une prise sur le monde qui, aux yeux de cette génération, paraissent insuffisantes dans les pratiques moins incarnées qui se sont imposées dans la création des années 1980-2000. Pour ne citer que quelques exemples, le renouvellement de la céramique (depuis une vingtaine d’années), la curiosité pour les techniques photographiques analogiques (voire la photographie primitive et la fabrication de sténopés, voir Michel Poivert, Contre-culture dans la photographie contemporaine), le réinvestissement du textile dans une perspective féministe, et plus largement la réhabilitation du « beau » ou du « sensible » témoignent d’une réelle bifurcation dans les taxinomies et les hiérarchies traditionnelles.
La technique et la main
comme indiscipline
et possibilité d’émancipation
Les workshops ont permis de mettre les participants ‒ aussi bien les étudiants que les enseignants ‒ à l’épreuve des carences des savoirs qu’ils croyaient acquis et des découvertes de compétences dont ils n’avaient pas conscience. Concrètement, les étudiants familiers avec la céramique, par exemple, ont dû revoir leurs habitudes pour apprendre à maîtriser les subtilités des émaux de Longwy; les sculpteurs ont dû totalement repenser leur rapport à la matière et à l’outil pour aborder la conception et la réalisation de bijoux; les pratiquants du textile qui maîtrisent l’utilisation d’un métier à tisser se sont confrontés, avec le tufting à une technique en plein essor qui fait appel à des gestes et des temporalités proches de ceux de la peinture et de la sculpture, etc. Ces situations de remise en question et d’hybridation des savoirs conduisent à la constitution de parcours d’expériences qui dépassent le cadre académique pour former une identité complexe et plurielle, propre à chacun, favorisant la constitution de démarches singulières. Ce sont ces identités et ces démarches qui permettent à chaque étudiant de définir peu à peu son travail en s’émancipant des savoirs constitués pour mêler tous les apports de manière très personnelle. Il ne s’agit donc aucunement de former des techniciens spécialisés mais, au contraire, d’encourager la distance critique, les croisements et l’expérimentation. Cette dynamique d’émancipation a bien entendu une dimension politique, conformément à la pensée de William Morris, la notion même de « discipline » ‒ technique, scolaire ou académique ‒ étant convertie en une recherche de l’in-discipline, sinon de la « révolution permanente » (Fluxus), si essentielle pour l’innovation artistique.
La technique et la main comme déplacement
Le point précédent (« b- La technique et la main comme indiscipline et possibilité d’émancipation ») comprend le pouvoir de déplacement des savoirs, mais cette notion renvoie également à des déplacements très concrets : les bifurcations pédagogiques expérimentées lors du programme Arts & Crafts aujourd’hui n’ont pu se faire que par le frottement à des altérités. Que ce soit du point de vue technique, culturel, politique ou historique, l’altérité s’est révélée centrale : que se passe-t-il lorsqu’un photographe travaille sans appareil photo ? lorsqu’un peintre quitte la toile pour travailler sur un élément mobilier, tel qu’un paravent ? lorsqu’un anthropologue comme Tim Ingold articule travail manuel et technologies numériques ? Tous ces déplacements des savoirs ne peuvent exister que par des déplacements physiques : aller à la rencontre de l’autre. La dimension internationale du programme a donc été absolument essentielle puisqu’elle a permis aux participants de rencontrer d’autres contextes nationaux, d’autres traditions culturelles, d’autres équipements techniques (en particulier le verre, la fonte, le textile), d’autres procédures pédagogiques (entre verticalité et horizontalité).
Histoire
et prospective
Karim Ghaddab
Le rapport à l’histoire élaboré par William Morris articule revisitation du passé (le modèle médiéval, en particulier) et prospective (le programme artistique, économique, social, politique d’Arts & Crafts). Reprendre ce contenu à l’identique, plus d’un siècle plus tard, n’aurait pas grand-sens : toutes les conditions historiques du mouvement anglais ont considérablement évolué (en particulier l’irruption de nouveaux matériaux synthétiques, des technologies informatiques et de l’intelligence artificielle), même si l’analyse globale demeure pertinente (ce n’est pas le lieu, ici de revenir sur les intuitions de Morris concernant l’articulation entre design et art, la préservation de l’environnement, l’émancipation des travailleurs, le rôle central de l’éducation ou encore l’élaboration d’une société plus égalitaire).
Un point s’est néanmoins révélé essentiel et riche de potentialités pour l’enseignement : le rapport au passé et l’anticipation des problématiques à venir ne peuvent plus s’opposer. Dans la semaine de workshops, la conférence de Michael Woolworth a démontré par l’exemple combien une technique ancienne et associée à une époque précédant l’imprimerie, telle que la lithographie, se révèle aujourd’hui prisée par les artistes contemporains pour ce qu’elle permet d’expérimentations et de plasticité. L’atelier de sérigraphie à l’ESADSE a été l’occasion de remettre en état une presse et de sensibiliser les participants à la richesse offerte par cette technique. Il n’y a donc pas d’opposition entre passé, présent et futur, mais là encore une communauté de ressources qui demandent à être mobilisées de façon souple et inventive.
Sur ce point, la bifurcation pédagogique réside donc en ceci : nous sommes historiquement sortis du grand récit du progrès qui a fait que, depuis la Renaissance et les Lumières, le passé est toujours regardé comme dépassé, tandis que le futur est représenté comme une promesse eschatologique. Désormais, passé et futur se réconcilient en un même récit. L’enseignement des techniques, des références et des conceptions issues d’un passé même lointain, non seulement ne s’oppose pas à l’innovation, mais au contraire la féconde et la dynamise. Il n’est pas de création sans mémoire.