ArBA-EsA
Le projet A&Ca trouve ses origines dans un projet appelé French Theory, qui a réuni pendant trois années consécutives des membres des équipes pédagogiques de l’UQÀM, de l’ESADE de Saint-Étienne, de l’ArBA-EsA de Bruxelles ainsi que des Beaux-Arts de Sousse. Initié en 2015 à l’ESADSE avec les « French Theories » et suivi en 2016 par une semaine de recherche intitulée « This is not only French Theory, Pensez-vous Français », le programme s’est achevé en 2018 à l’UQÀM avec « L’impensé Radical ». Ces recherches, menées conjointement entre les écoles partenaires, ont permis de partager et d’éprouver des méthodologies de travail et de développer un langage et des attentions communs.
Cette base préhistorique de A&Ca a ensuite été suivie de longs moments de réflexion autour de la mise en place du projet et de la recherche de la reconnaissance européenne. Ces temps de travail, complexes car en pleine crise COVID, ont été rendu possible grâce à la base commune s’appuyant sur des échanges, des rencontres, des partages de pratiques et des temps de recherche préalables.
Le projet Arts & Crafts, aujourd’hui aborde des questions de recherche création nouvelles. Il s’inscrit dans des territoires en mutation voire en redéfinition. À l’ArBA-EsA, les questions liées au faire et aux pratiques techniques n’ont jamais été évincées. Elles sont demeurées intégrées à la pratique artistique et aux pratiques pédagogiques, les points de rencontre entre formes techniques et formes artistiques et la conjonction des gestes ont été conservés au cœur des ateliers, même si les fins recherchées étaient distinctes.
Lors de la mise en place du projet, le parti pris de l’articulation théorie-pratique, A.D.N. de l’école, a été conservé. Notre approche consistait à reprendre les questions par le biais du faire, des objets et des gestes. Il ne s’agissait pas simplement de revaloriser des savoirs perdus, mais plutôt de réinventer et de reconsidérer les rapports de mémoire et de transmission en inversant les hiérarchies établies : porter une attention aux gestes, aux techniques à l’œuvre dans l’école, et ainsi questionner et enrichir les formes artistiques, reconsidérer les rapports hiérarchiques classiques entre artistes et artisan·e·s, entre étudiant·e·s et enseignant·e·s en révélant un tissu d’échanges dense et fertile.
L’objectif était d’ouvrir l’école et de mieux appréhender sa capacité à innover dans les zones créatives tout en continuant de lier les questions critiques et épistémologiques et en investiguant les pratiques artistiques dans un champ élargi.
La mise en place du projet a été accompagnée par trois semaines de partage en 2020, 2021 et 2022, des semaines de recherche activées dans l’école pour les étudiant·e·s de master et le grand public. Ces semaines alliaient des temps réflexifs (conférences, rencontres, échanges) et des temps pratiques (ateliers, plateformes). Petit à petit, il s’agissait de se donner des éléments réflexifs en vue de recevoir et de partager le projet Arts & Crafts, aujourd’hui.
Lors de ces semaines, de nombreux intervenant·e·s issus des mondes de l’art et de la pratique nous ont accompagné·e·s dans notre réflexion et nos échanges. Par exemple, Jean-Christophe Bailly avec la conférence « Réflexions sur l’objet : De la rareté à l’invasion. Résistance de la singularité » en 2021 et Pauline M’Barek avec la conférence « Des choses qui fuient » en 2022.
En parallèle, des réflexions et la transmission sur les spécificités en termes de savoirs techniques ont été mises en œuvre : un atelier nomade de fonderie* mené par Alexis Remacle, un atelier nomade de lithographie mené par Cyril Bihain** et engagé en partenariat avec FBAUP et ESADSE, ainsi qu’une revalorisation et une ouverture des questions liées au design textile, à la tapisserie et aux arts textiles.
Au fur et à mesure des semaines intensives proposées par les écoles partenaires, et au fur et à mesure des rencontres et des partages de contextes et de gestes, l’école a nourri ses pratiques et sa réflexion. FBAUP a articulé la céramique et l’art contemporain, INBA a contribué à l’articulation du territoire et du craft à travers la céramique en mettant en avant les potentialités innovantes de son école, l’UQÀM a questionné les matérialités de l’art, les disciplines et les formes pédagogiques, et VŠVU a permis la jonction avec un cadre industriel dédié à la pratique du verre. ESADSE a souhaité revenir à des crafts très spécifiques en permettant des actualisations singulières. Chaque école/faculté, en formulant sa proposition, a engagé une reconfiguration des questions et des propositions de recherche.
Au cours du projet, nous avons également continué à expérimenter et à faire évoluer des techniques pédagogiques innovantes telles que les sessions de feedback et le Contemporary Salmon. Ensuite, afin de préparer la semaine Arts & Crafts, l’ArBA-EsA a mis en place en 2023 des modules dédiés à la question du faire, des techniques et des gestes, en se concentrant davantage sur le craft mais toujours dans un contexte élargi (expanded field). Ainsi, plusieurs modules ont été proposés et des zones d’expérimentation ont été mises en pratique par les étudiant·e·s, leur permettant d’appréhender différemment les questions du craft et de les sensibiliser davantage à certaines propositions liées au vivre-ensemble et à l’écoresponsabilité.
En conclusion, le projet A&Ca est le fruit d’une collaboration entre différentes écoles d’art et facultés qui ont partagé des méthodologies de travail et développé un langage commun. Il aborde des questions de recherche création nouvelle et cherche à réinventer les rapports entre théorie et pratique, artistes et artisan·ne·s, étudiant·e·s et enseignant·e·s. Le projet a été accompagné par des semaines de partage mêlant réflexion et pratique, ainsi que par des ateliers et des rencontres avec des intervenant·e·s spécialisé·e·s. Le projet a mis en lumière la position nodale de ces institutions en tant que réservoir de pratique et de pensée, en tant que laboratoire d’expérimentation et en tant qu’incubateur permettant d’envisager les défis futurs en termes de création et de résilience. Au fil du temps, les écoles partenaires ont enrichi leurs pratiques et leur réflexion, en explorant les spécificités des différentes techniques et en repensant les approches pédagogiques. Le projet vise à ouvrir de nouvelles perspectives créatives tout en restant ancré dans les enjeux critiques et épistémologiques actuels.
* La Fonderie
« Le projet de fonderie pédagogique » « Vestale », proposé par Alexis Remacle, professeur en Sculpture, est conçu comme une « valise pédagogique » et a d’abord été itinérant pendant 10 ans, se montant et se démontant comme un chapiteau de cirque sur les différents lieux de stage. »
Avec ce projet, des étudiant·e·s de nombreuses écoles de Belgique et de France ont eu accès à l’ensemble de ce processus complexe qu’est la fonderie. « Vestale » donne l’opportunité d’expérimenter de l’intérieur les outils de la fonderie d’art au travers de la cire perdue et du moulage au sable. Les étudiant·e·s du Master en Sculpture ont eu l’occasion d’expérimenter cet outil lors de l’année académique 2023-2024.
Pour la semaine Arts & Crafts, aujourd’hui, la fonderie au sable s’est réactivée grâce à ces étudiant·e·s, avec l’objectif de permettre de découvrir cette pratique dans une expérience immersive intense.
Alexis Remacle

Dérive(s)|Fonderie au sable
© Clémence Detroy/Mia Brena

Dérive(s)|Fonderie au sable
© Clémence Detroy/Mia Brena

Dérive(s)|Fonderie au sable
© Clémence Detroy/Mia Brena
** Atelier Nomade
Dans le cadre du projet Arts & Crafts, la lithographie, pratique issue de plusieurs siècles d’expérience, est aujourd’hui au coeur de certains questionnements liés à la fabrique de l’image, au multiple et à la transmission.Perçu trop souvent comme lourde (au regard des pierres traditionnelles), FBAUP, ArBA-EsA et ESADSE proposent une approche nomade, s’inscrivant dans une logique collaborative de recherche empirique et solidaire.Les Stéphanois endosseront le costume de novice, alors que les Bruxellois, autodidactes engagés profondément dans la pratique peuvent constituer nos repères de permanence, tous invités au nomadisme par les Portuenses et leurs recherches archéotechnologiques. La composante virtuelle sera activée afin de préparer et nourrir les mobilités. L’échange d’expérience autour des pratiques expérimentales de la lithographie sont essentielles pour l’apprentissage et se feront en partie à distance, avant, pendant et après le voyage.Saint-Etienne, il s’agit également de réactiver la presse lithographique, à l’école depuis 100 ans avec une pratique parcellaire.Cette mobilité a pour intérêt de prolonger la formation de l’enseignant·e et de réamorcer une pratique régulière des étudiant·e·s, après une remise n état complète réalisée en septembre 2023. Partager les outils et connaissances techniques nécessaires au processus lithographique et à la réalisation de la forme finale.Créer un noyau d’étudiant·e·s, un groupe formé de trois parties qui participe au projet pendant tout son cheminement.Amener les étudiant·e·s à réfléchir sur le projet même et développer une thématique ou synergie en écho au projet Arts & Crafts. Travailler dans une dimension collective et dans la volonté d’un projet commun.
Cyril Bihain

Dérive(s)|Atelier Nomade
© Clémence Detroy/Mia Brena